Bagassi Koura: Le public du CDL est le plus important pour mon film

En 2006, le navire Probo Koala affrété par Trafigura décharge plusieurs centaines de tonnes de déchets toxiques dans plusieurs sites de la ville d’Abidjan en Côte d’Ivoire déjà meurtrie par une crise politique. Dans les jours et semaines qui suivent, des milliers de personnes présentent des signes d’intoxication. Les expertises réalisées sur les déchets révèlent la présence de produits toxiques comme les mercaptans et l’hydrogène sulfuré. Le bilan sanitaire fait état de huit décès, plusieurs dizaines de personnes hospitalisées et environ 100 000 consultations médicales. Le jeune réalisateur burkinabè Bagassi Koura, en marge de ses études cinématographiques aux Etats- Unis décide de donner la parole aux victimes à travers un documentaire. Ce film inédit est projeté au Ciné Droit Libre 2011. Dans l’interview qui suit, Bagassi Koura nous présente son œuvre.

CDL: Présentez- vous à nos lecteurs

B. K: Je suis un diplômé du Département des Arts et Communication de l’Université de Ouagadougou ou j’ai appris les fondamentaux du journalisme. J’ai travaillé comme journaliste dans des medias internationaux comme l’AFP ou Reuters Television. Je viens de finir en 2010 mes études cinématographiques à l’Université de Californie à Berkeley, c’est la première université publique américaine en termes de notoriété. Dans cette université j’ai étudié pendant deux ans le film documentaire. J’ai produit donc le film sur les déchets toxiques dans le cadre de mon Masters. Ce film a reçu plusieurs prix aux Etats-Unis y compris le prix du meilleur court documentaire au Festival de Film des nations Unies. Mais au-delà des prix, c’est surtout l’accueil qui a été réservé au film par le publique et surtout le fait d’avoir réalisé ce film sur ces faits qui méritent d’être exposés au monde entier qui constituent une réelle satisfaction.

CDL: que faites-vous aux Etats-Unis?

B. K: J’ai passé les premiers mois après mes études à la promotion de mon film. Il fallait beaucoup voyagé à cause des sollicitations des festivals de film. Et après, j’ai quitté la Californie et je me suis installé à Washington ou je fais de la production indépendante et travaille surtout comme contractuelle à la chaine de Télévision Al Jazeera English qui est différente de sa sœur arabophone beaucoup plus connue. Mais en même temps je suis entrain de murir des idées de documentaires qui devraient m’emmener bientôt sur le terrain en Afrique. Une de mes missions, en tant qu’Africain, c’est de produire des films sur l’Afrique avec un regard africain.

CDL: qu'est-ce qui vous a poussé à réaliser ce film?

B. K: J’ai fait ce film parce que je trouvais que c’est un sujet incroyablement grave et qui, malgré la multitude de reportages, comportait beaucoup de non-dits. Je voulais, à ma façon, exposer les faits. J’ai surtout été motivé par le fait qu’un jour, en Novembre 2009, j’ai vu un communiqué de la compagnie Trafigura soulignant que le dossier des déchets toxiques d’Abidjan était désormais clos. J’ai été à la fois surpris et choqué parce que je connaissais bien le sujet. Je savais que les gens à Abidjan continuaient de souffrir et que beaucoup vivaient toujours au milieu de ces déchets toxiques.

CDL: quels sont les objectifs du film?

Je voulais exposer les faits, en espérant qu’au bout du compte l’information dans le film peut contribuer à résoudre le problème. Je voulais surtout que le monde entier soit informé sur la question : qu’on découvre les motivations de Trafigura et toutes les péripéties qui les ont conduit sur les bords de la lagune Ebrié. Je voulais partager les souffrances des victimes en leur donnant la parole. Je voulais surtout exposer le rôle des autorités ivoiriennes qui ont abandonné leurs propres citoyens pour de l’argent. C’est pourquoi de tous les festivals, je crois que le public de Ciné Droit Libre est le plus important pour mon film.



CDL: quelles difficultés avez- vous rencontré dans la réalisation du film?

B. K: L’accès sur le terrain était le plus difficile. Quand je dis terrain, je veux dire aussi bien en Cote d’Ivoire qu’à Londres. Le gouvernement de Gbagbo avait interdit tout reportage vidéo sur les sites des déchets toxiques et y avait posté 24h sur 24 des agents de sécurité au moment de notre tournage. Et pour faire tout documentaire crédible, il faut nécessairement donner la parole à ce qu’on appelle dans le jargon le « bad guy », « le vilain », s’il y en a. Et dans ce cas c’était Trafigura. C’est elle qui a convoyé le bateau sur Abidjan et il fallait forcement entendre leur son de cloche. De ce coté aussi, malgré plusieurs mois de harcèlement de notre part, la compagnie était difficile d’accès. Personne ne voulait nous recevoir.

Interview réalisée par Gabriel Kambou

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