Depuis la sortie de son film intitulé
«Laurent Gbagbo : despote ou anticolonialiste… le verbe et le sang», le réalisateur camerounais Saïd Penda est au
cœur de la polémique. Pour les uns, il est un ‘’apatride’’, un ‘’vendu’’, un ‘’valet
local au service du colon’’. Pour d’autres par contre, cet ancien journaliste
de la BBC est un ‘’diseur de vérité’’, ‘’lucide’’ et qui entend ‘’dévoiler l'autre face cachée’’ de l'ancien chef de l'Etat ivoirien
Laurent Gbagbo. Vrai ou faux ?
Le débat a eu lieu à l’institut français de Ouagadougou ce vendredi 6
juin 2014, la veille de la clôture de la dixième édition du festival ciné droit
libre.
Etaient invités pour
ce débat, le Pr Albert Ouédraogo, ancien
ministre burkinabè en charge des droits humains, le Dr Rassablga Saïdou Ouédraogo,
enseignant-chercheur en économie à l’Université Ouaga 2, l’Ambassadeur ivoirien
au Burkina Abdou Touré et le réalisateur du film, Saïd Penda. Les deux derniers
n’ayant pas pu effectuer le déplacement, ce sont les deux universitaires qui
ont mené le débat, modéré par le journaliste Newton Ahmed Barry. La salle du
petit Méliès de l’institut français n’a pas pu contenir les cinéphiles qui ne souhaitaient pas se faire conter
l’évènement. Les organisateurs ont dû recourir au grand Méliès. Entre pro et
anti Gbabgo, les débats avaient même commencé avant la projection du film. Ce
qui augurait de grandes joutes oratoires.
‘’J’ai rarement vu sur la crise ivoirienne un film aussi critique sur le
régime Gbagbo, une position aussi iconoclaste par rapport à ce que Gabgbo a
construit comme mythe autour de son régime’’, a laissé entendre le Pr Albert
Ouédraogo. Pour lui, le drame ivoirien est un drame africain et même mondial.
Il dit ne pas comprendre que certains se trompent si lourdement sur un homme,
un régime comme celui de Laurent Gbagbo. Il dit également ne pas comprendre que
des gens applaudissent Laurent Gbagbo.
‘’Comment peut-on se
faire le complice d’une telle mascarade’’, interroge l’ancien ministre
burkinabè des droits humains. Et le Pr Ouédraogo d’ajouter qu’au nom de la
lutte contre l’impérialisme, au nom du panafricanisme, Laurent Gbabgo a abusé
de leur intelligence. Il ira plus loin en disant que Laurent n’est pas un
socialiste, mais plutôt un national socialiste tout comme Hitler. « Quand
on me dit que Gbagbo n’a pas de responsabilité dans la crise, c’est faux’’
dit-il sur un ton colérique. Pour lui,
Hitler n’a jamais envoyé un juif dans un camp de concentration. ‘’L’homme
d’Etat ce n’est pas celui qui fait. C’est celui qui fait faire. Gbagbo a fait
faire et il a mal fait faire’’, commente Albert Ouédraogo. Et l’homme de
lettres de conclure qu’il faut que justice soit faite et que tous ceux qui ont
les mains ensanglantées aient l’humilité de reconnaitre leur tort et leurs
fautes.
Un
film partiel, partial et parcellaire
Pour sa part, le Dr Rassablga Ouédraogo a
d’entré souligné que c’est depuis 1998, lors d’un colloque d’histoire à
l’université de Ouagadougou, alors qu’il était encore étudiant, qu’il a compris
que Laurent Gbagbo n’était pas un panafricaniste. ‘’Je tiens à indiquer que
Laurent est un autocrate’’ a martelé l’économiste. En dépit de l’image négative
qu’il a de l’homme, le Dr Ouédraogo trouve que le film du réalisateur
camerounais est ‘’partiel, partial et parcellaire’’. A l’en croire, c’est de tels films qui ont
créé la crise ivoirienne à savoir l’occultation d’une partie de la vérité.
‘’Pourquoi on parle
du charnier de Yopougon qui est un charnier réel, et qu’on ne parle pas du
massacre de Douekoué? S’interroge le Dr Ouédraogo. ‘’On nous fait penser que la
crise ivoirienne a commencé en 2000. Pourtant ce qu’on a qualifié de poudrière
identitaire est arrivé avant Laurent Gbagbo’’, a-t-il fait remarquer. Il a aussi souligné que le film occulte la
responsabilité du père de « l’ivoirité » qui est Henri Konan Bédié. ‘’On
occulte également dans le film la responsabilité du gouvernement burkinabè’’ a
ajouté Dr Ouédraogo, arrachant des salves d’applaudissements à une foule qui
s’est montrée tout le long du film, séduite par l’ancien homme fort de la Côte
d’Ivoire.
Faisant le
rapprochement entre les origines de la crise ivoirienne et la situation
actuelle au Burkina Faso, l’enseignant d’économie a indiqué que si l’on n’y
prend garde, le passé de la Côte d’Ivoire pourrait bien
être le futur du Burkina Faso. Dans la crise ivoirienne quand tu dis que Gbagbo
est un autocrate, on te traite de pro Ouattara. ‘’Quand tu dis que Ouattara
était proche des rebelles, on te traite de pro Gbagbo’’. Pour lui donc, c’est cette incapacité à faire
un espace à l’objectivité, à l’honnêteté et à la vérité qui est l’une des
causes du malheur africain. Et c’est
selon lui, le même débat qui a cours au Burkina et qui a divisé le peuple en
deux camps qui se regardent en chien de faïence : les antis et les pros
référendum. « J’ai bien peur pour
l’avenir de ce pays » a-t-il conclu
Younouss
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